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13 janvier 2008

l'euro heure de la réforme ?

Il est l'heure pour une réforme de l'euro, par Eric Le Boucher

LE MONDE | 12.01.08 | 13h46  •  Mis à jour le 12.01.08 | 13h46

'euro trop cher ! L'euro inflationniste ! L'euro dans les mains des bureaucrates de Francfort ! L'euro incapable de booster la croissance ! Nicolas Sarkozy, qui aime commander à droite, à gauche, des rapports sur tous les sujets, ferait bien de lire celui de l'Institut Bruegel sur la monnaie unique. Il ne l'a pas demandé, mais il y trouvera, non pas de quoi alimenter son ire contre les insuffisances de la gouvernance économique européenne, mais de quoi la raisonner (Coming of Age : Report on the Euro Area). Entre les critiques formulées de façon violente souvent, publiques toujours, mais veuves de propositions de réformes, et les dévots des traités de Maastricht et d'Amsterdam, voilà une liste de modifications intelligentes, abordables et concrètes. Le président français devrait les faire siennes pour mettre du contenu dans ses vitupérations et celles de ses conseillers proches.

L'euro est entré dans sa dixième année. C'est un succès. Personne de sérieux n'imagine en sortir. Chypre et Malte viennent de rejoindre le club, l'Eurozone compte désormais quinze membres. Mais, dans le même temps, la hausse des prix a dépassé 3 % en novembre (dernier indice connu), les opinions publiques se plaignent de relèvements de prix depuis son introduction, la banque centrale ne parvient pas à faire cesser les attaques contre son inflexibilité et la croissance de l'Union ramollit sans que l'euro n'y puisse rien.

L'élargissement conduit à l'entrée dans la zone de pays dont le niveau économique est très lointain de celui des fondateurs. Mais pourtant on leur applique mécaniquement les règles d'hier, en matière d'inflation par exemple, en leur imposant des niveaux qu'ils sont incapables d'atteindre, sauf à tricher.

Surtout, il y a dix ans, l'euro devait poser les fondations sur lesquelles se construirait ensuite l'Europe fédérale. La monnaie était la première pierre d'un édifice économico-politique. Mais depuis, la construction s'est arrêtée, laissant béant le côté politique. L'Eurogroupe n'a ni ligne de conduite d'ensemble ni pouvoir sur les économies des pays membres. " Les politiques économique et monétaire de l'Union ne se réduisent (pourtant) pas à l'argent", déplore Jean-Claude Juncker, le président de cet Eurogroupe.

Vingt ans après le document de Jacques Delors, qui posait le principe de l'Union monétaire, les architectes sont toujours divisés en trois, explique Bruegel : les partisans d'une Union minimale, qui s'en tiennent à l'indépendance de la Banque centrale, à la discipline budgétaire et au bon fonctionnement de la concurrence ; ceux qui veulent plus de coordination entre les gouvernements des pays membres ; et ceux qui plaident toujours pour une union politique fédérale.

C'est l'indécision du combat de ces trois lignes qui paralyse l'Europe et qui, tout en n'empêchant pas la machine de fonctionner correctement, nourrit l'insatisfaction permanente de tous les passagers. Qui surtout ne permet pas de tirer le meilleur parti économique de l'euro. La monnaie unique a beaucoup d'effets positifs (par exemple de permettre à de nombreux pays, comme la France, d'accumuler les déficits ou d'amortir les effets de la crise financière), mais elle ne suffit pas à dynamiser les quinze membres, chacun tirant la couverture à lui.

Il est temps de clarifier, avance Bruegel. La conjoncture devient moins porteuse que sur la période 1999-2007, où les deux moteurs américain et chinois étaient en phase. Les Etats-Unis ralentissent aujourd'hui fortement, et toutes les autres régions, dont l'Europe, en subiront les conséquences.

D'autre part, la réunification de la famille européenne autour du mini-traité crée un bon climat. Il devrait être possible d'avancer des propositions de réformes.

Bruegel en offre de trois sortes. Sur le plan monétaire, d'abord, la BCE devrait clairement adopter un ciblage de l'inflation (c'est-à-dire abandonner toute référence au monétarisme hérité de la Deutsche Bundesbank). Et ce choix devrait bien entendu être soutenu par l'Eurogroupe. Par ailleurs, la représentation des pays européens au FMI devrait être consolidée en la personne du président de l'Eurogroupe qui deviendrait "M. Euro", le représentant extérieur de l'Union. Du coup, il serait demandé une discipline aux gouvernements, qui n'auraient plus le droit de parler, par exemple, du niveau euro-dollar.

Sur le plan budgétaire ensuite, Bruegel estime que l'attention de Bruxelles doit être portée sur la dette (sa progression) mais qu'en échange les pays devraient obtenir plus d'autonomie par rapport aux stricts critères de déficits budgétaires. Sur le plan des réformes structurelles enfin, et c'est le sujet principal : le président de l'Eurogroupe devrait pouvoir intervenir pour les définir et les promouvoir dans chacun des pays. Le budget européen devrait les financer.

L'avantage de ces changements est qu'ils ne demandent que peu de modifications institutionnelles. Pas besoin d'un nouveau traité, heureusement. Mais une ligne est tracée, qui permet d'avancer dans la résolution de la quadrature du cercle : plus de coordination, mais en même temps plus d'autonomie.


Eric Le Boucher

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