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Ter ES Saint Paul Ajaccio
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18 novembre 2005

Progrès technique Emploi

Quels sont les effets du Progrès Technique sur l’emploi ?

             Le Progrès Technique, que l’on peut représenter comme l’ensemble des innovations qui modifient les processus productifs, est depuis longtemps l’objet de fortes inquiétudes. Lors du développement de la Révolution Industrielle, la mécanisation provoque d’importants rejets de la part du mouvement ouvrier (Luddisme en Angleterre, Canuts lyonnais en France…). Au début du siècle, l’introduction du Taylorisme et du Fordisme se heurte à de vives contestations syndicales. Aujourd’hui encore, ces craintes sont ravivées par l’extension des nouvelles technologies. Pour un bon nombre de nos contemporains, c’est d’ailleurs dans le développement sans cesse croissant du Progrès Technique qu’il faut chercher la cause du chômage actuel.
             A coup sûr le Progrès Technique entraîne des bouleversements profonds dans l’organisation des systèmes productifs et jusque dans nos vies quotidiennes. L’usine automobile du Troisième Millénaire n’a guère à voir avec celle du début du siècle. Les objets qui nous entourent ne cessent d’évoluer. Des métiers disparaissent, d’autres qui n’existaient pas il y a seulement quelques années sont en pleine expansion. Même les métiers les plus traditionnels (cultivateurs, éleveurs…) sont transformés par l’arrivée des mutations technologiques. Comment interpréter ces mutations ? Quelle action le Progrès Technique a t-il sur l’emploi ? Est-il destructeur d’emplois ? Les déqualifie-t-il ou bien les rend-il de plus en plus complexes au fil du temps.
             Pour essayer de répondre à toutes ces questions nous analyserons dans un premier temps les effets quantitatifs du Progrès Technique sur l’emploi, puis dans une seconde partie son impact plus qualitatif.

             Les effets du Progrès Technique s’avèrent contraster selon que l’on prend en compte les effets directs ou indirects.

Dans de nombreuses situations, le Progrès Technique détruit des emplois.
             [Pourquoi les innovations de procédé peuvent-elles entraîner des effets négatifs sur le volume de l’emploi ?] Le Progrès Technique, lorsqu’il prend la forme d’innovations de procédé (Taylorisme, Fordisme, Toyotisme…) se traduit le plus souvent par une augmentation de la productivité. Réciproquement, les gains de productivité constituent un indicateur classique du Progrès Technique. Or, gagner en productivité c’est par définition produire plus en utilisant moins de facteur de production (travail ou capital). En ce qui concerne l’emploi, si grâce au Progrès Technique il est possible de créer d’avantage de valeur ajoutée en consommant moins d’heures de travail, on débouche automatiquement sur des destructions d’emplois. C’est même le but recherché par les innovateurs.
             Le Progrès Technique, lorsqu’il prend la forme d’innovations de produits (nouveaux bien ou services) se traduit parfois par la disparition de biens anciens. Ainsi, lorsque l’énergie nucléaire se substitue au charbon, il faut bien fermer les mines, et les emplois liés à ces activités disparaissent. Lorsque la télévision se démocratise, les salles de cinéma ferment et des emplois sont supprimés.

Mais le Progrès Technique est aussi créateur d’emplois.
             [Expliquer précisément le sens de la phrase : « le Progrès Technique a une action sur l’offre par le biais des gains de productivité »]. Le Progrès Technique se traduit le plus souvent par des gains de productivité. Ces gains de productivité permettent de baisser les coûts unitaires moyens. Si cette baisse est répercutée sur les prix de vente, le pouvoir d’achat des ménages augmente et la demande s’élève, ce qui stimule la croissance économique et à terme l’emploi. Cette baisse du coût unitaire moyen peut aussi servir à l’abaissement du prix des biens exportés, favorisant ainsi la demande extérieure, la croissance et l’emploi. Enfin, le surcroît de valeur ajoutée issu des gains de productivité peut être partagée entre les salariés (augmentations salariales) et les patrons (hausse des profits). Dans le premier cas, la demande va s’accroître, et dans le second cas, les investissements risquent de progresser. La consommation globale va donc s’élever, favorisant ainsi la croissance et l’emploi. > Voir
Schéma de la croissance Fordiste.
             [Pourquoi les innovations de produits peuvent-elles entraîner des effets négatifs sur le volume de l’emploi ?] Les innovations de produits sont elles aussi créatrices d’emploi, comme le rappelle Alfred Sauvy dans sa « théorie de la compensation ». Il faut en effet du monde pour fabriquer les nouveaux biens et services, les nouvelles machines. Les emplois de mineurs ont disparus mais EDF et GDF emploient aujourd’hui près de 160.000 personnes.

Laquelle de ces deux tendances l’emporte ?
             Pour l’essentiel, on peut dire que tout va dépendre de l’intensité de la croissance économique. Lorsque les gains de productivité issus du Progrès Technique ne s’accompagnent pas d’une forte croissance économique, il s’ensuit des pertes d’emplois importantes. La situation de l’Union Européenne entre 1986 et 1996 illustre bien cette situation. Alors que les gains de productivité sont quasiment constants durant ces onze années (environ 2% en moyenne et par an), la première période, la période 1986-1990, est marquée par une forte croissance économique (3,2% en TCAM) et s’accompagne d’une forte progression de l’emploi (+7,2% au total). La seconde période, où la croissance du PIB est deux fois moins importante, laisse place à une forte diminution du niveau de l’emploi (-3% au total). L’intensité du Progrès Technique n’est donc pas en soit un facteur déterminant pour expliquer les variations de l’emploi. Des périodes où la productivité progresse fortement peuvent se traduire par de massives créations d’emplois. C’est donc beaucoup plus dans la capacité des nations à « créer » de la croissance économique et à gérer au service de l’emploi les gains de productivité que réside la clef explicative des relations entre le Progrès Technique et l’emploi.

             Le Progrès Technique a donc des effets contrastés sur le volume de l’emploi, le bilan final étant largement dominé par le contexte économique et politique dans lequel il s’insère. Mais l’impact du Progrès Technique ne se limite pas au volume de l’emploi, car il affecte également la nature des emplois.

             Le premier effet du Progrès Technique sur la transformation de la nature des emplois concerne les mutations sectorielles de l’emploi. Tous les pays développés ont connu depuis le 19ème siècle un basculement progressif de leurs emplois du secteur primaire au secteur secondaire puis aujourd’hui un développement des emplois du secteur tertiaire. Ce point de vue a été mis en évidence par Alfred Sauvy dans sa thèse du déversement. L’abaissement des coûts de production dans l’agriculture a permis de déverser une partie du pouvoir d’achat des ménages dans la demande de biens manufacturés, ce qui a constitué un puissant facteur de développement de la demande de biens manufacturés et par conséquent des emplois industriels. L’élévation continue du niveau de vie permet aujourd’hui l’accès à des services de plus en plus vastes. Cette nouvelle demande est créatrice d’emplois à tel point que le secteur tertiaire regroupe 70% du total des emplois en France. La structure des emplois s’est donc profondément transformée en l’espace de 50 ans, comme en témoigne l’évolution de la structure des PCS.

             Le Progrès Technique a également pour effet de modifier les qualifications des emplois. La structure des emplois se modifie et les emplois les plus qualifiés se développent. Ainsi, entre 1982 et 1995, les PCS qui regroupent les professions les plus qualifiées n’ont pas cessé d’augmenter. Les cadres ont vu leur effectif s’accroître de plus de 1 million de personnes (1.061.000), et les professions intermédiaires de 628.000 personnes. A l’inverse, les PCS regroupant les professions les moins qualifiées, comme celle des ouvriers, ont subi de véritables hémorragies d’emplois (moins 1.094.000 postes). Mais ce n’est pas seulement la qualification des emplois qui a progressé, c’est aussi la qualification individuelle. L’augmentation de la population active de près de 1.500.000 personnes traduit en fait une élévation patente du niveau de qualification des actifs. En effet, « disparaissent » 3,5 millions de personnes sans diplômes au profit de 2.257.000 personnes diplômées de l’enseignement supérieur et de 700.000 personnes possédant le baccalauréat. On observe ce même phénomène à l’intérieur des PCS. L’essentiel de l’augmentation du nombre de professions intermédiaires a été le fait de personnes dotées d’un diplôme de l’enseignement supérieur. C’est évidemment le cas chez les cadres, mais aussi chez les ouvriers, ou la possession d’un CAP s’impose comme un niveau de diplôme minimal.

             Peut-on conclure de ce qui précède que le Progrès Technique améliore toujours les qualifications ? Même si globalement la réponse peut sembler positive, il convient malgré tout de la nuancer. D’une part parce-que de nombreux emplois peu qualifiés se développent dans le secteur tertiaire (hôtellerie, transports, sécurité, entretien…). On peut même parler d’une véritable taylorisation de certaines professions de service (caissière de supermarché, préparateur en restauration rapide). D’autre part, ce n’est pas parce-que les mêmes emplois sont accomplis par des personnes beaucoup plus qualifiées que la nature des emplois, elle, a changé. Enfin, le même Progrès Technique (l’introduction d’une machine à commande numérique ou l’informatisation d’un service comptable) peut se traduire par des logiques sociales très différentes sur le plan de la redéfinition des qualifications. Dans certains cas c’est une véritable élévation des qualifications que connaîtront les salariés (stages de qualification, enrichissement des tâches, reclassement au sein de la grille salariale). Dans d’autres cas, l’introduction des nouvelles technologies fait disparaître toutes les traces d’autonomie, d’initiative et de responsabilité qui s’attachaient à l’ancien poste de travail.

             CONCLUSION : On peut dégager une idée force que la Progrès Technique n’est pas en soit déterminant ni dans l’évolution du volume de l’emploi, ni dans l’élévation des qualifications. Dans le premier cas, on a pu constater que la relation Progrès Technique – emploi était largement déterminé par l’intensité de la croissance économique. Dans le second cas, on a pu constater que les logiques sociales à l’œuvre peuvent modifier les conséquences du Progrès Technique, soit dans le sens d’une amélioration des qualifications, soit dans le sens d’une déqualification.
             Dans tous les cas, il est difficile de croire en un quelconque déterminisme technologique. Les questions autour du Progrès Technique sont avant tout des questions politiques, comme le montre l’actuel débat sur les OGM.

MERCI à PIERRE

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