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Ter ES Saint Paul Ajaccio
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7 mars 2006

dans le monde du 7MARS 06 la flexibilité en Europe

L'Europe de la flexibilité

   

LE MONDE | 06.03.06 | 16h06  •  Mis à jour le 06.03.06 | 19h16

'est un mouvement de fond qui parcourt les pays européens, confrontés, depuis le début des années 1990, à la persistance d'un chômage de masse. Avec le contrat nouvelles embauches (CNE) dans les entreprises de moins de vingt salariés et le contrat de première embauche (CPE) pour les jeunes de moins de 26 ans, la France se rapprocherait-elle des nations qui, avant elle, ont assoupli les règles du marché du travail pour tenter de relancer l'emploi ?

L'instauration d'une période d'essai de deux ans assortie d'une autorisation de licenciement non justifiée, dans les deux contrats, ouvre une brèche dans un code du travail jugé trop "rigide" ou trop protecteur pour les salariés par le patronat, et donc "préjudiciable à l'embauche et à l'emploi". Pour les syndicats unanimes, qui manifestent mardi 7 mars contre le CPE, ces deux contrats représentent une étape supplémentaire de flexibilité dans les entreprises... et de précarité pour les salariés. Pour preuve, ils introduisent une rupture avec la loi de 1973 imposant la justification du licenciement par "une cause réelle et sérieuse".

L'initiative gouvernementale reste très éloignée du "modèle" britannique. La quasi-absence de réglementation en Grande-Bretagne serait, selon les partisans du CPE, à l'origine d'un taux de chômage deux fois moins élevé qu'en France (4,5 % contre 9,6 %). Les avocats de la flexibilité à la française pourraient aussi se prévaloir d'une enquête comparative de l'OCDE de janvier 2005. Selon elle, les pays, notamment d'Europe du Sud, dotés d'une législation rigoureuse en faveur de la sécurité de l'emploi ont aussi connu une forte augmentation du travail temporaire et des contrats précaires. Si les salariés en poste sont mieux protégés, les jeunes, les femmes en reprise d'activité et les chômeurs sont les plus exposés. Mais l'OCDE se garde de mesurer l'impact réel de la déréglementation du travail sur la création d'emplois.

Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, le reconnaît : "Nous ne sommes pas très bons dans la lutte contre le chômage. Alors, nous allons étudier ailleurs des modèles de flexibilité." L'une de ses références reste le modèle danois, qui instaure la "flexsécurité", alliant souplesse et mobilité de l'emploi, absence de contraintes pour les entreprises qui licencient et sécurité pour le salarié, accompagné et fortement indemnisé en période de chômage.

En l'absence de réglementation européenne, les gouvernements de l'Union se sont contentés de "recommandations", comme celle en faveur de l'emploi et de la croissance adoptée lors du sommet de Lisbonne en 2000. Les plus récentes initiatives communes militaient plutôt en faveur d'un renforcement de la protection des salariés dans les entreprises menacées par les délocalisations. Dès lors, la plupart des dispositions adoptées dans les pays, par la voie législative ou à la suite de négociations entre patronat et syndicats, portaient sur des aspects particuliers du contrat de travail : extension de la période d'essai, durée et motifs des contrats à durée déterminée, ainsi que procédures et indemnisation des licenciements.

L'Espagne a réussi a diviser par trois le chômage en onze ans (8,7 % fin 2005), grâce à sa croissance et en délaissant les CDI traditionnels, qui étaient assortis d'indemnités de licenciement très coûteuses : un tiers des salariés sont en CDD, dont la moitié détenus par les moins de 35 ans. Le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero a demandé aux partenaires sociaux d'envisager de transformer ces CDD en CDI assortis d'indemnités de licenciement plus faibles. La négociation semble enlisée et le gouvernement n'envisage pas de légiférer hors consensus.

La flexibilité du travail, introduite en Italie par une loi de gauche, en 1997, a été accentuée par une loi de droite, dite Biagi, en 2003. Le but était de favoriser l'entrée sur le marché du travail des jeunes et des femmes, dans les régions défavorisées du Sud et, surtout, de lutter contre le travail au noir, estimé à 25 % du PIB. Le chômage est passé de 9,5 % début 2001 à moins de 8 % en 2005 malgré la régularisation massive de 690 000 clandestins en 2003-2004. Une floraison de contrats très précaires concerne 2,5 millions de personnes, soit 70 % des créations d'emplois. S'il gagne les élections législatives des 9 et 10 avril, Romano Prodi entend s'attaquer à la précarité en diminuant le coût du travail à durée indéterminée qui, a-t-il déclaré, "ne peut plus continuer à être supérieur à celui du travail temporaire".

L'adaptation des règles des marchés du travail et l'insécurité qu'elle engendre inquiètent les syndicats. "La mobilité des salariés, avec l'individualisation des rapports du travail, ne doit-elle pas s'accompagner d'un système de relations sociales offrant plus de garanties ?", s'interroge Joël Decaillon, secrétaire de la Confédération européenne des syndicats (CES). Selon lui, "70 % des emplois se font sans contrat de travail dans le monde ; ce n'est pas le modèle vers lequel on doit tendre."


Rémi Barroux et Michel Delberghe (avec Cécile Chambraud à Madrid et Jean-Jacques Bozonnet à Rome


CHRONOLOGIE

1958. Création du régime d'assurance-chômage (Unedic et Assedic).

1963. Mise en place du Fonds national pour l'emploi (FNE), impliqué dans les restructurations industrielles.

1967. Création de l'ANPE.

1973. L'employeur se voit imposer une "cause réelle et sérieuse" à tout licenciement individuel.

1975. Consultation du personnel et contrôle de l'inspection du travail sur les licenciements économiques.

1979. Création du CDD.

1986. Suppression de l'autorisation administrative de licenciement et facilitation du recours au CDD et à l'intérim.

1989. Loi relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion.

1993. Loi quinquennale du 20 décembre relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.

2002. Loi de modernisation sociale (LMS) réaffirmant le caractère exceptionnel du recours au CDD et à l'intérim et allongeant les délais de licenciement.

2003. Suspension de sept articles de la LMS, dont ceux sur le licenciement.


Article paru dans l'édition du 07.03.06

   

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-747968,0.html
Voir au cdi  dans l'édition papier la carte  la dispatité des contrats de travail dans les principaux pays européens

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