suitede cours la montée des interdépendances
Après avoir dit en quoi elle consistait, nous en
développerons un aspect, lié aux questions financières
1.2.3.1 - En quoi
consiste cette interdépendance ?
· Premier
aspect : au niveau des économies nationales, quand une part significative
de la production nationale est exportée, quand un travailleur sur trois ou
quatre travaille pour l’exportation, on comprend bien que la situation
économique du pays dépend, pour une large part souvent, de la conjoncture ou
des décisions prises dans les pays clients ou fournisseurs. Imaginons,
par exemple, que la consommation américaine fléchisse nettement dans les
mois à venir. On peut penser que les travailleurs allemands travaillant dans
les entreprises vendant des produits aux américains risquent de connaître des
réductions d’horaires, voire des licenciements.
· Deuxième
aspect : parce que les échanges de marchandises et de capitaux se réalisent
pratiquement sans entrave aujourd’hui, les firmes ne réfléchissent plus, ou en
tout cas de moins en moins, leur stratégie à l’échelon national. C’est
le marché mondial qui compte. La logique de décision des entreprises s’est
transformée, ce qui transforme les conditions de la production à l’intérieur
même des économies nationales, qui ne peuvent plus être “
indépendantes ” du reste du monde économique.
1.2.3.2 - La globalisation financière.
· Ce
terme désigne le processus de libéralisation quasi complète des
échanges de capitaux depuis le début des années 80, débouchant sur la
réalisation d’un marché mondial des capitaux très peu contrôlé. Ce processus
s’est réalisé au travers de la déréglementation des mouvements
de capitaux (il n’y a plus de contrôle), du décloisonnement des
marchés (les différents marchés des capitaux ne sont plus séparés les uns des
autres et tous les acteurs peuvent intervenir sur tous les marchés) et de la désintermédiation
(aujourd’hui, de plus en plus, les entreprises ont un accès direct aux marchés
des capitaux sans passer par les intermédiaires traditionnels que sont les
banques). Aujourd’hui, 90% des échanges mondiaux totaux (biens, services et
capitaux) sont des échanges de capitaux, les biens et services n’en
représentant que 10%. C’est dire à quel point les mouvements de capitaux
représentent des sommes colossales. Il faut dire aussi que les capitaux
circulent par simple jeu d’écritures informatiques, ce qui est très facile,
bien plus facile et rapide que l’échange des biens ou des services.
· En
quoi ces échanges renforcent-ils l’interdépendance des économies ? Aujourd’hui, les entreprises et
les autres acteurs de l’économie (banques, sociétés d’assurance, Etats) vont
emprunter, ou prêter, sur un marché des capitaux unique, mondial. Sur ce marché
se fixent, comme sur tous les marchés, des prix. Ici, il s’agit du prix de
l’argent, c’est à dire du taux d’intérêt. La globalisation financière
aboutit à ce que le taux d’intérêt ne se fixe plus sur le marché national :
ce n’est donc plus l’offre et la demande intérieures de monnaie qui déterminent
le montant du taux d’intérêt mais la situation internationale du marché des
capitaux. Résultat : les taux d'intérêt vont monter ou baisser sans que
cela corresponde forcément aux nécessités économiques intérieures. Et
les conditions du financement des investissements, à l’intérieur du pays, vont
dépendre de considérations internationales. Par exemple, imaginons que le taux
d’intérêt s’élève aux Etats-Unis parce que l’Etat américain a besoin de
beaucoup emprunter pour financer ses dépenses militaires. Le taux d’intérêt va
s’élever aussi en France sans qu’il y ait de raison objective à cette
élévation, simplement parce que si ce n’était pas le cas, les capitaux
disponibles en France iraient se placer sur le marché américain. Résultat : les
entreprises françaises vont devoir financer leurs investissements de manière
coûteuse, elles peuvent même être amenées à renoncer à l’investissement si la
rentabilité devenait trop faible, compte tenu du niveau des taux d’intérêt.
· Sur le
plan des marchés des changes (c'est-à-dire le marché sur
lequel on échange des monnaies, que l’on appelle devises, entre elles),
on se trouve dans une situation à peu près similaire : depuis le début des
années 70, le système des changes fixes (système dans lequel
l’Etat fixe lui-même la valeur de sa monnaie en référence à un étalon, soit
l’or, soit une autre monnaie, le dollar en général) a été abandonné et remplacé
par un système de changes flottants (le taux de change d’une
monnaie se fixe au jour le jour sur le marché des changes en fonction de
l’offre et de la demande de la monnaie). Le régime de change,
c'est-à-dire le système que les pays choisissent pour organiser leurs échanges
de monnaie, s’est donc fondamentalement modifié. Le taux de change,
c'est-à-dire le prix auquel une monnaie s’échange contre une autre monnaie, est
donc devenu très fluctuant en fonction des évènements internationaux et/ou
nationaux. Ces fluctuations vont avoir des conséquences, parfois non
négligeables, sur l’activité économique intérieure : si le cours du
dollar s’élève et que nous payons notre facture pétrolière en dollars, nous
allons devoir payer davantage, alors même que le prix du pétrole lui-même (en
dollars) n’a pas bougé. De même, si le cours du dollar baisse, le montant en
euros correspondant à nos ventes d’Airbus, qui se font toujours en dollars (pas
seulement quand on vend à une entreprise américaine), va diminuer, ce qui va
affecter d’une part le montant de nos exportations, d’autre part les recettes
de l’entreprise fabriquant les Airbus, ce qui risque peut-être de la mettre en
péril (l’entreprise pourra-t-elle payer les salaires, par exemple, qui, eux,
sont payés en euros, pas en dollars ?). On le voit, quand les monnaies
flottent, ce qui devient difficile pour les entreprises, c’est de prévoir et
donc de prendre des décisions dans un climat d’incertitude, car
personne ne peut prévoir comment va évoluer le cours d’une monnaie. Nous
reparlerons de ces questions dans la deuxième partie de ce chapitre.
Conclusion : on observe donc un développement très rapide des
échanges internationaux dans un cadre de plus en plus libre-échangiste.
Dans quelle mesure ce développement a-t-il favorisé la croissance économique ?
C’est que nous allons étudier maintenant.
· Ce
terme désigne le processus de libéralisation quasi complète des
échanges de capitaux depuis le début des années 80, débouchant sur la
réalisation d’un marché mondial des capitaux très peu contrôlé. Ce processus
s’est réalisé au travers de la déréglementation des mouvements
de capitaux (il n’y a plus de contrôle), du décloisonnement des
marchés (les différents marchés des capitaux ne sont plus séparés les uns des
autres et tous les acteurs peuvent intervenir sur tous les marchés) et de la désintermédiation
(aujourd’hui, de plus en plus, les entreprises ont un accès direct aux marchés
des capitaux sans passer par les intermédiaires traditionnels que sont les
banques). Aujourd’hui, 90% des échanges mondiaux totaux (biens, services et
capitaux) sont des échanges de capitaux, les biens et services n’en
représentant que 10%. C’est dire à quel point les mouvements de capitaux
représentent des sommes colossales. Il faut dire aussi que les capitaux
circulent par simple jeu d’écritures informatiques, ce qui est très facile, bien
plus facile et rapide que l’échange des biens ou des services.
· En
quoi ces échanges renforcent-ils l’interdépendance des économies ? Aujourd’hui, les entreprises et
les autres acteurs de l’économie (banques, sociétés d’assurance, Etats) vont
emprunter, ou prêter, sur un marché des capitaux unique, mondial. Sur ce marché
se fixent, comme sur tous les marchés, des prix. Ici, il s’agit du prix de
l’argent, c’est à dire du taux d’intérêt. La globalisation financière
aboutit à ce que le taux d’intérêt ne se fixe plus sur le marché national :
ce n’est donc plus l’offre et la demande intérieures de monnaie qui déterminent
le montant du taux d’intérêt mais la situation internationale du marché des
capitaux. Résultat : les taux d'intérêt vont monter ou baisser sans que
cela corresponde forcément aux nécessités économiques intérieures. Et
les conditions du financement des investissements, à l’intérieur du pays, vont
dépendre de considérations internationales. Par exemple, imaginons que le taux
d’intérêt s’élève aux Etats-Unis parce que l’Etat américain a besoin de
beaucoup emprunter pour financer ses dépenses militaires. Le taux d’intérêt va
s’élever aussi en France sans qu’il y ait de raison objective à cette
élévation, simplement parce que si ce n’était pas le cas, les capitaux
disponibles en France iraient se placer sur le marché américain. Résultat : les
entreprises françaises vont devoir financer leurs investissements de manière
coûteuse, elles peuvent même être amenées à renoncer à l’investissement si la rentabilité
devenait trop faible, compte tenu du niveau des taux d’intérêt.
· Sur le
plan des marchés des changes (c'est-à-dire le marché sur
lequel on échange des monnaies, que l’on appelle devises, entre elles),
on se trouve dans une situation à peu près similaire : depuis le début des
années 70, le système des changes fixes (système dans lequel
l’Etat fixe lui-même la valeur de sa monnaie en référence à un étalon, soit
l’or, soit une autre monnaie, le dollar en général) a été abandonné et remplacé
par un système de changes flottants (le taux de change d’une
monnaie se fixe au jour le jour sur le marché des changes en fonction de
l’offre et de la demande de la monnaie). Le régime de change,
c'est-à-dire le système que les pays choisissent pour organiser leurs échanges
de monnaie, s’est donc fondamentalement modifié. Le taux de change,
c'est-à-dire le prix auquel une monnaie s’échange contre une autre monnaie, est
donc devenu très fluctuant en fonction des évènements internationaux et/ou
nationaux. Ces fluctuations vont avoir des conséquences, parfois non
négligeables, sur l’activité économique intérieure : si le cours du
dollar s’élève et que nous payons notre facture pétrolière en dollars, nous
allons devoir payer davantage, alors même que le prix du pétrole lui-même (en
dollars) n’a pas bougé. De même, si le cours du dollar baisse, le montant en
euros correspondant à nos ventes d’Airbus, qui se font toujours en dollars (pas
seulement quand on vend à une entreprise américaine), va diminuer, ce qui va
affecter d’une part le montant de nos exportations, d’autre part les recettes
de l’entreprise fabriquant les Airbus, ce qui risque peut-être de la mettre en
péril (l’entreprise pourra-t-elle payer les salaires, par exemple, qui, eux,
sont payés en euros, pas en dollars ?). On le voit, quand les monnaies
flottent, ce qui devient difficile pour les entreprises, c’est de prévoir et
donc de prendre des décisions dans un climat d’incertitude, car
personne ne peut prévoir comment va évoluer le cours d’une monnaie. Nous reparlerons
de ces questions dans la deuxième partie de ce chapitre.
Conclusion : on observe donc un développement très rapide des
échanges internationaux dans un cadre de plus en plus libre-échangiste.
Dans quelle mesure ce développement a-t-il favorisé la croissance économique ?
C’est que nous allons étudier maintenant.
Nous avons déjà vu que l’échange international se
développait parce qu’on tirait des avantages de ces échanges. Mais d’où
viennent ces avantages ? Comment les expliquer ? Les économistes estiment
qu’il y a deux grandes explications aux avantages retirés, pour la croissance
économique, de l’échange international : d’une part, celui-ci favorise
les gains de productivité, d’autre part il permet l’extension des marchés.
Reprenons ces deux aspects l’un après l’autre.
· Les
gains de productivité : les échanges internationaux reposent sur les avantages
comparatifs et la spécialisation qu’ils engendrent. Ce qui rend la
spécialisation avantageuse, c’est la différence des prix relatifs. Celle-ci
provient soit d’une dotation différente en facteurs de production (si l’on
dispose d’une main d’œuvre nombreuse, son coût relatif devrait être faible, par
exemple), soit d’une productivité du travail différente (dans ce cas, le coût
unitaire est plus bas). En spécialisant la main d’œuvre dans ces productions,
on augmente donc la productivité globale de l’économie, ce qui favorise la
croissance économique, comme nous l'avons montré dans le premier chapitre du
cours.
· L’extension
des marchés :
l’agrandissement de la taille du marché augmente les débouchés, les quantités
produites peuvent donc augmenter. Or, quand la taille de la production
augmente, les entreprises réalisent ce que l’on appelle des économies
d’échelle ce qui diminue le coût unitaire de production. On peut
donner quelques exemples d’économies d’échelle. D’une part, quand on achète de
plus grandes quantités de matières premières ou d’électricité (pour produire
plus), on obtient des rabais de la part des fournisseurs, ou encore quand on
fait une campagne publicitaire, le coût est le même quelle que soit la quantité
produite. D’autre part, le fait que le marché s’agrandisse s’accompagne du fait
que la concurrence s’accroît : sur le marché mondial, il y a
d’autres producteurs et tout le monde veut profiter de l’extension des marchés.
Résultat : les entreprises sont incitées à faire tout ce qu’elles
peuvent pour améliorer leur compétitivité, en particulier en
améliorant leurs conditions de production et leur capacité à s’adapter aux
variations de la demande. Et cela est favorable à la croissance : en
effet, sur le plan des prix comme sur celui de la qualité des produits,
il va y avoir des gains qui vont se traduire en amélioration du niveau de vie
et en croissance.
Gains de productivité et extension des marchés
interagissent et se renforcent mutuellement : comme l’entreprise peut produire
davantage du fait de l’extension des marchés, elle va pouvoir mettre en œuvre
des précédés lui permettant de gagner en productivité. Comme elle améliore sa
productivité, elle va pouvoir gagner des parts de marché, ce qui lui permettra
de produire encore plus. Nous verrons dans la deuxième partie de ce chapitre à
quel point les entreprises, en jouant ce jeu, ont été les vecteurs de la
mondialisation de l’économie.
On a vu dès le premier chapitre que les gains de productivité étaient au cœur
du mécanisme de la croissance économique. On comprend donc pourquoi le
développement des échanges internationaux favorise la croissance économique.
Pourtant, on observe que des pratiques protectionnistes subsistent et on peut
se demander pourquoi
Il peut paraître étrange que les pays, y compris les grands
pays capitalistes, se protègent de l’échange international, compte tenu de
l’intérêt qu’il y a, sur le plan économique, à échanger. Donc, après avoir
présenté brièvement comment les pays font pour se protéger, nous essaierons de
comprendre pour quelles raisons ils le font.
1.3.2.1 - Quelles sont les pratiques protectionnistes actuelles ?
Elles sont de plusieurs types, les moins fréquentes
étant les barrières tarifaires On trouve surtout
des barrières non tarifaires, c'est-à-dire toutes les barrières autres
que les droits de douane. Mais on a aussi une protection monétaire et
financière ponctuellement efficace.
· Les
barrières tarifaires
On appelle ainsi les taxes douanières mises à l’entrée de produits étrangers
dans l’espace national. Ces barrières ont très largement disparu puisque
le libre-échange les a pratiquement éliminées. On peut cependant considérer que
le versement de subventions publiques aux entreprises
constituent des barrières tarifaires : une entreprise dans cette situation peut
vendre moins cher, du coup les importations sont découragées car elles
apparaissent comme plus chères que les produits nationaux.
· Les
barrières non tarifaires
o Les restrictions
quantitatives (quotas, contingentements) : les autorités politiques
fixent un volume annuel maximum d’importation pour un produit donné. Une fois
le volume atteint, on attend l’année suivante pour importer … Ces pratiques
sont en principe interdites par le GATT comme par l’OMC. Elles ont beaucoup
perdu d’importance aujourd’hui.
o Le commerce administré
: il s’agit d’accords conclus entre deux pays pour limiter “ volontairement ”
les exportations de l’un vers l’autre. Il y a eu de tels accords dans le
textile par exemple : certains pays d’Asie se sont engagés à n’exporter que des
quantités limitées de sous-vêtements en France. Mais ce type d’accords ne
concernent pas forcément que des activités industrielles traditionnelles. Il y
en a aussi dans l’électronique grand public ou les motos (source / Y. Crozet et
alii, Les grandes questions de l’économie internationale).
o L’utilisation de mécanismes
anti-subventions ou anti-dumping : les subventions aux entreprises et le dumping sont des
pratiques interdites par l’OMC. Les Etats ont souvent édicté des lois, qui
s’appliquent sur leur territoire national, visant à poursuivre les auteurs de
ces pratiques. C’est le cas des Etats-Unis. L’utilisation de cette législation
nationale peut être, en fait, un instrument protectionniste.
L’Etat qui veut protéger son territoire peut accuser les firmes (ou les Etats )
étrangères de pratiquer le dumping ou d’avoir bénéficié de subventions
publiques. Au lieu de laisser l’OMC prendre les sanctions qui s’imposent si ces
faits étaient prouvés, ce sont les tribunaux du pays accusateur qui vont
décider de la réalité de l’infraction. On voit bien que la manipulation est
possible et que les sanctions prononcées (en général, des surtaxes) peuvent
être une forme de protectionnisme.
o L’imposition de normes diverses , techniques, sanitaires ou autres.
Ces normes ont souvent officiellement comme objectif de protéger le
consommateur mais elles sont aussi un moyen détourné pour décourager les
importations. A titre d’exemple, on peut rappeler qu’en 1982, le gouvernement
français a décrété que tous les magnétoscopes importés devraient transiter par
le bureau des douanes de Poitiers pour les formalités douanières ; vu la taille
de ce bureau et le boom de la demande de magnétoscopes à l’époque, on peut se
douter du résultat : de gigantesques files d’attente et des magnétoscopes mis
sur le marché français au compte-gouttes ! C’était bien sûr une mesure
protectionniste.
o L’imposition d’un minimum de “
contenu local ” pour les importations : pour certains produits, les automobiles par exemple,
certains pays exigent que le produit final importé contiennent des éléments
fabriqués dans le pays.
· La
protection monétaire et financière
o La protection financière : les pays ont toute une gamme
d’instruments financiers qui permet d’aider les firmes exportatrices. On peut
citer les crédits à l’exportation à taux d’intérêt faible ou nul, les crédits
d’impôts pour les entreprises exportatrices, etc.
o La protection monétaire : il s’agit d’utiliser la monnaie,
c’est à dire en fait, directement ou indirectement (en manipulant les tausx
d’intérêt), le taux de change pour aider les entreprises nationales à exporter
davantage. La Banque centrale peut par exemple se débrouiller pour que le taux
de change baisse plus qu’il n’aurait baissé spontanément de manière à rendre
les produits nationaux plus compétitifs sur les marchés étrangers. On peut
penser que ce n’est pas par hasard que le dollar en 2003 a tant baissé par
rapport à l’euro : bien sûr, il y a le déficit commercial américain qui peut
expliquer cette faiblesse de la devise américaine, mais la Banque centrale des
Etats-Unis ne fait rien pour soutenir sa monnaie car cette baisse restaure la
compétitivité des produits américains.
Conclusion : on voit que les instruments
protectionnistes sont nombreux et largement utilisés.
1.3.2.1 - Quelles sont les pratiques protectionnistes actuelles ?
Elles sont de plusieurs types, les moins fréquentes
étant les barrières tarifaires On trouve surtout
des barrières non tarifaires, c'est-à-dire toutes les barrières autres
que les droits de douane. Mais on a aussi une protection monétaire et
financière ponctuellement efficace.
· Les
barrières tarifaires
On appelle ainsi les taxes douanières mises à l’entrée de produits étrangers
dans l’espace national. Ces barrières ont très largement disparu puisque
le libre-échange les a pratiquement éliminées. On peut cependant considérer que
le versement de subventions publiques aux entreprises
constituent des barrières tarifaires : une entreprise dans cette situation peut
vendre moins cher, du coup les importations sont découragées car elles
apparaissent comme plus chères que les produits nationaux.
· Les
barrières non tarifaires
o Les restrictions
quantitatives (quotas, contingentements) : les autorités politiques
fixent un volume annuel maximum d’importation pour un produit donné. Une fois
le volume atteint, on attend l’année suivante pour importer … Ces pratiques
sont en principe interdites par le GATT comme par l’OMC. Elles ont beaucoup
perdu d’importance aujourd’hui.
o Le commerce administré
: il s’agit d’accords conclus entre deux pays pour limiter “ volontairement ”
les exportations de l’un vers l’autre. Il y a eu de tels accords dans le
textile par exemple : certains pays d’Asie se sont engagés à n’exporter que des
quantités limitées de sous-vêtements en France. Mais ce type d’accords ne
concernent pas forcément que des activités industrielles traditionnelles. Il y
en a aussi dans l’électronique grand public ou les motos (source / Y. Crozet et
alii, Les grandes questions de l’économie internationale).
o L’utilisation de mécanismes
anti-subventions ou anti-dumping : les subventions aux entreprises et le dumping sont des
pratiques interdites par l’OMC. Les Etats ont souvent édicté des lois, qui
s’appliquent sur leur territoire national, visant à poursuivre les auteurs de
ces pratiques. C’est le cas des Etats-Unis. L’utilisation de cette législation
nationale peut être, en fait, un instrument protectionniste.
L’Etat qui veut protéger son territoire peut accuser les firmes (ou les Etats )
étrangères de pratiquer le dumping ou d’avoir bénéficié de subventions
publiques. Au lieu de laisser l’OMC prendre les sanctions qui s’imposent si ces
faits étaient prouvés, ce sont les tribunaux du pays accusateur qui vont
décider de la réalité de l’infraction. On voit bien que la manipulation est
possible et que les sanctions prononcées (en général, des surtaxes) peuvent
être une forme de protectionnisme.
o L’imposition de normes diverses , techniques, sanitaires ou autres.
Ces normes ont souvent officiellement comme objectif de protéger le
consommateur mais elles sont aussi un moyen détourné pour décourager les
importations. A titre d’exemple, on peut rappeler qu’en 1982, le gouvernement
français a décrété que tous les magnétoscopes importés devraient transiter par
le bureau des douanes de Poitiers pour les formalités douanières ; vu la taille
de ce bureau et le boom de la demande de magnétoscopes à l’époque, on peut se
douter du résultat : de gigantesques files d’attente et des magnétoscopes mis
sur le marché français au compte-gouttes ! C’était bien sûr une mesure
protectionniste.
o L’imposition d’un minimum de “
contenu local ” pour les importations : pour certains produits, les automobiles par
exemple, certains pays exigent que le produit final importé contiennent des
éléments fabriqués dans le pays.
· La
protection monétaire et financière
o La protection financière : les pays ont toute une gamme
d’instruments financiers qui permet d’aider les firmes exportatrices. On peut
citer les crédits à l’exportation à taux d’intérêt faible ou nul, les crédits
d’impôts pour les entreprises exportatrices, etc.
o La protection monétaire : il s’agit d’utiliser la monnaie,
c’est à dire en fait, directement ou indirectement (en manipulant les tausx
d’intérêt), le taux de change pour aider les entreprises nationales à exporter
davantage. La Banque centrale peut par exemple se débrouiller pour que le taux
de change baisse plus qu’il n’aurait baissé spontanément de manière à rendre
les produits nationaux plus compétitifs sur les marchés étrangers. On peut
penser que ce n’est pas par hasard que le dollar en 2003 a tant baissé par
rapport à l’euro : bien sûr, il y a le déficit commercial américain qui peut
expliquer cette faiblesse de la devise américaine, mais la Banque centrale des
Etats-Unis ne fait rien pour soutenir sa monnaie car cette baisse restaure la
compétitivité des produits américains.
Conclusion : on voit que les instruments
protectionnistes sont nombreux et largement utilisés.
1.3.2.2 - Les raisons de la permanence du protectionnisme.
Qu’est-ce qui pousse les Etats à développer des pratiques
protectionnistes sans vouloir le reconnaître, puisqu’ils affirment pratiquer le
libre-échange ?
· Il y a
d’abord des arguments théoriques développés depuis fort
longtemps.
o Le “ protectionnisme éducateur ” de
Friedrich List
: cet économiste allemand prend position au milieu du 19ème siècle contre le
libre-échange généralisé pour les pays non encore industrialisés. Son
raisonnement est le suivant : comme toutes les spécialisations ne se valent
pas, comme il vaut mieux fabriquer des produits manufacturés modernes que des
produits primaires, le pays doit fermer ses frontières à ces produits modernes
pour permettre la naissance et le développement des jeunes industries (ou “
industries dans l’enfance ”, comme dit List). En effet, si on n’établissait pas
de protectionnisme, les produits étrangers modernes arriveraient en masse dans
le pays, à un prix bas du fait de l’expérience et des économies d’échelle
réalisées par les entreprises étrangères. Résultat : les entreprises du pays ne
pourraient pas rivaliser et devenir compétitives car, au début de la
production, les coûts sont toujours élevés, et finalement, les industries
modernes ne se développeraient jamais dans le pays. Pour List, le libre-échange
est donc une machine de guerre aux mains des pays les plus avancés, à son
époque surtout le Royaume-Uni, berceau de la 1ère révolution industrielle. Les
pays les moins avancés ne doivent pas le mettre en application pour l’ensemble
des branches mais seulement dans les branches où ils n’ont pas d’entreprises
naissantes à protéger. Cependant, le protectionnisme doit n’être que provisoire
car il tend à augmenter les prix : à l’abri des frontières, les producteurs ne
sont pas soumis à la concurrence internationale et pratiquent des prix
supérieurs aux prix mondiaux.
P. Krugman, un économiste américain contemporain, dit à peu près la même chose
quand il parle de protectionnisme stratégique : dans les secteurs considérés
comme stratégiques par le pays, il peut être rationnel de mettre en œuvre un
protectionnisme sectoriel de manière à ce que le secteur puisse se développer
et atteindre la taille critique (celle qui permettra de rivaliser avec les oligopoles
déjà en place sur le marché mondial). Ainsi, Airbus a-t-elle été très largement
subventionnée par les gouvernements français et allemands. C’était le prix à
payer pour qu’Airbus puisse rivaliser avec Boeing, ce qui est largement le cas
aujourd’hui.
o La mise en avant de l’ “ intérêt
national ” :
plusieurs arguments peuvent être avancés dans ce domaine. D’abord, un pays peut
estimer que certaines activités sont “ stratégiques ”, comme la production
d’énergie par exemple, et, de ce fait, refuser la concurrence étrangère sur son
territoire. Cela a été pendant très longtemps le cas pour la production
d’électricité en France. Ensuite, on peut souhaiter, tant pour des raisons
économiques que sociales (préserver l’emploi dans certaines régions, par
exemple), éviter la disparition d’entreprises nationales sous la pression de la
concurrence internationale.
o La protection contre les récessions
importées : le
libre-échange accroît l’interdépendance et la spécialisation des économies. Le
risque, bien mis en évidence par Keynes, est que par le biais des importations,
dont le poids relatif s’accroît, le pays ne soit atteint par les
ralentissements conjoncturels dans les pays clients et fournisseurs. C’est bien
sûr ce qui s’était passé, spécialement au Royaume-Uni, pendant la crise de
1929. Mais le raisonnement tient toujours aujourd’hui, comme l’ont montré
certaines crises récentes (crise asiatique de la fin des années 1990, par
exemple).
· Il y a
ensuite des arguments pragmatiques : la réalité « impose »
parfois des mesures protectionnistes.
o Le premier argument repose sur
l’idée que, face aux nations économiquement dynamiques, certaines grandes
puissances traditionnelles se protègent pour éviter à leurs entreprises de
perdre trop de parts de marché domestique. Mais elles ne pourraient pas le
reconnaître sans perdre la face, vu leurs positions antérieures sur le
protectionnisme.
o Le deuxième argument prend en compte
les rapports de force à l’intérieur du pays qui tente de se protéger : les
consommateurs perdent au protectionnisme sur le plan des prix, mais la perte
est diffuse et peut apparaître comme minime individuellement, alors que les
entreprises menacées par le libre-échange, beaucoup moins nombreuses, gagnent
chacune beaucoup plus au protectionnisme ; elles vont donc exercer une pression
forte en faveur du protectionnisme alors que les consommateurs ne défendront
que mollement le libre-échange. En paroles libre-échangiste, en actes
protectionniste, l’Etat gagne sur les deux tableaux.
o Le troisième argument qui permet de
comprendre ce double langage tient à l’importance du secret dans les
négociations internationales : quand il y a des gains potentiels, chacun essaie
de garder des informations, de ne pas “ tout dire ” aux autres de manière à
garder des cartes en main. Ainsi l’accès à certains marchés reste très
opaque, et c’est cette opacité-là justement qui est la meilleure protection. On
peut même penser que, dans le domaine des échanges internationaux de services,
ces protections secrètes, que les acteurs étrangers n’arrivent pas à bien
cerner, vont jouer, ou jouent déjà, un grand rôle.
Pour des raisons multiples, pas forcément mauvaises, le
protectionnisme n’a pas disparu quoi qu’en disent parfois les
autorités politiques.
Conclusion
Dans le débat entre libre-échange et protectionnisme, le libre-échange a
évidemment gagné. On peut considérer qu’il est favorable globalement à la
croissance économique, même si concrètement, il est parfois nécessaire de
recourir au protectionnisme, au moins temporairement. Les politiques
menées par les Etats en faveur de l’insertion de leur économie nationale dans
les échanges internationaux sont donc marquées par ces deux tendances qui
peuvent apparaître parfois comme contradictoires. Cependant, il reste
une question essentielle : la croissance économique et le développement, ce
n’est pas la même chose. Peut-on considérer que l’insertion dans les
échanges internationaux est un gage de développement ? La question se pose avec
acuité pour les pays en développement. C’est donc cette question que nous
allons examiner maintenant