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Ter ES Saint Paul Ajaccio
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10 mai 2007

réduire la fracture sociale

En 1999, ce sont les indemnités de départ (19 millions d'euros) de Philippe Jaffré, l'ex-PDG d'Elf, qui avaient défrayé la chronique. Depuis, alors que les codes de bonne conduite suivis de quelques nouvelles mesures législatives se multipliaient, d'autres largesses accordées à plusieurs "capitaines d'industrie" français ont scandalisé non seulement l'opinion publique, mais aussi des responsables politiques et patronaux inquiets du climat d'affrontement et d'injustice que ces parachutes dorés généraient. Airbus, le dernier épisode en date, n'a rien fait pour calmer les esprits. Alors que le constructeur aéronautique licencie, on apprenait que l'ancien coprésident d'EADS, Noël Forgeard, avait touché 8,5 millions d'euros à l'occasion de son départ. Et, cerise sur le gâteau, les salariés découvraient que le montant de leur prime de participation s'étalerait de 2 à 10 euros en 2007, contre 1 200 à 1 800 euros en 2006.

Le sentiment d'injustice sociale se diffuse ainsi de plus en plus largement au sein de l'Hexagone. Pourtant, les études de l'Insee montrent que le partage de la valeur ajoutée au niveau national entre rémunération des salariés (58,3 % en 2005) et taux de marge des entreprises (30,7 %) n'a guère varié ces dernières années. Il est même d'une incroyable stabilité depuis près de vingt ans.

Mais ces statistiques reflètent-elles vraiment la réalité ? Le prérapport du groupe de travail "niveaux de vie et inégalités sociales" du Conseil national de l'information statistique (CNIS) indique plutôt le contraire. Selon ses constatations, la mesure de la richesse est une véritable zone d'ombre en France. Sous-évaluation des informations portant sur les individus et les ménages, accès limité aux données..., "la question des inégalités monétaires - patrimoine, revenus -, peut-on lire dans le document, est une lacune majeure dans le dispositif statistique actuel". "Cela fait près de quinze ans, indique l'un des experts du groupe de travail, que nous réclamons de pouvoir disposer des informations collectées par le ministère de l'économie et ses nombreuses directions - plusieurs audits ont été réalisés sur ce point. Mais sans succès. Nous avons vraiment le sentiment de prêcher dans le désert."

Les hauts fonctionnaires de Bercy, conscients de ce biais, font néanmoins preuve de prudence. "Concernant la transmission d'informations individuelles, l'administration doit respecter les règles de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), explique-t-on au ministère. Celles-ci imposent de se soumettre à toute une série d'autorisations qui parfois amènent à renoncer à la demande." Un constat d'autant plus regrettable que, reconnaît-on à Bercy, "la distribution du patrimoine est extrêmement concentrée en France et que nous soupçonnons que cette concentration est encore plus forte que nous ne le pensons".

A l'autre bout de la chaîne, en revanche, les informations sont nombreuses pour souligner l'avancée de la précarité. En novembre 2006, le rapport du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) remis par Jacques Delors, son président, à Dominique de Villepin, premier ministre, montrait l'accroissement des inégalités de revenu salarial et la manière dont il s'était produit.

Deux raisons majeures invoquées : l'instabilité et l'insécurité de l'emploi. Les 10 % de salariés aux revenus les plus bas ont ainsi une durée de travail 3,3 fois inférieure aux salariés les mieux payés. Ils n'ont été en emploi, en moyenne, que 13 semaines dans l'année, contre 51 semaines pour les 10 % les mieux rémunérés.

Le rapport du CERC pointait également tous les éléments qui ont un impact sur les revenus et l'emploi : démographie, richesse produite, prélèvements sociaux, politique fiscale de redistribution, mutations de l'Etat-providence. Plusieurs de ces éléments ne sont pas de nature à rassurer les Français. Les comptes sociaux de la nation sont largement dans le rouge, ce qui a conduit la Cour des comptes à demander "de nouvelles mesures drastiques de redressement", qu'il s'agisse de l'assurance-maladie, ou de la branche vieillesse.

Concernant la première, le déremboursements de médicaments ou la hausse des forfaits hospitaliers, depuis plusieurs années à l'ordre du jour, frapperont d'abord les plus bas revenus. Quant aux retraites, il n'est pas sûr que l'allongement de la durée de cotisation suffise à garantir le niveau des pensions les plus faibles. Les choix du nouveau gouvernement en matière fiscale vont donc être examinés de près. Pour savoir à qui ils profiteront le plus.

Marie-Béatrice Baudet

Article paru dans l'édition du 09.05.07. du Monde

http://lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-907147,0.html

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